Olivet Mag a relayé les informations sur la situation dans laquelle se trouve Junior..; ce jeune homme d'origine congolaise actuellement en rétention à Vincennes. Un rassemblement de soutien s'est tenu à Orléans vendredi en soirée, pendant qu'une délégation était reçue en préfecture.

Le sort de ce garçon est entre les mains des préfets: le préfet du Loiret et le préfet de police de Paris. Les interlocuteurs préfectoraux développent le discours légal et administratif sur lequel ils fondent leur "droit" de retenir Junior, de ne pas lui donner de titre de séjour et , éventuellement de l'expulser. Les soutiens de Junior leur rétorquent que la loi leur permet aussi de régler la situation de manière bien plus compréhensive et compréhensive! Et, il n'est jamais exclu que les autorités administratives soient sensibles à l'exposé de la situation réelle de quelqu'un. Quand derrière les sigles et les articles du code, on entrevoit l'existence d'une personne réelle, quand derrière les questions de chiffres, on prend conscience qu'il s'agit de l'humain, de la jeunesse, de projets de vie... on en vient à raisonner autrement.

Tout cela est remarquablement exprimé dans la lettre que Marie-Noëlle Vitry, responsable Cimade, a adressée aux préfets et publiée sur Facebook.

Pour ceux de nos lecteurs qui ne sont pas préfets ... et ceux qui ne sont pas très FB..., cette lettre est reproduite ci-dessous.

Junior: faut-il barrer un chemin de vie?
Junior: faut-il barrer un chemin de vie?
Junior: faut-il barrer un chemin de vie?
Junior: faut-il barrer un chemin de vie?
Junior: faut-il barrer un chemin de vie?

Au préfet de police de Paris
Au préfet du Loiret

À 25 ans ma fille aînée, diplôme en poche, est partie tenter sa chance à Berlin, trois ans plus tard son frère, au même âge, s’installait pour la première fois dans son logement grâce à la caution que nous avons donnée sur son bail et deux ans plus tard, nous avons pu nous réjouir, lors de sa soutenance de thèse, du parcours accompli à 25 ans par notre benjamine. Ensuite, chacun son tour, grâce à leurs atouts et malgré leurs faiblesses, ils ont commencé à tracer comme ils ont pu le chemin de leur vie. Nous savons qu’ils ne sont pas au bout de leur peine, ils savent que nous sommes là.
Mais à 25 ans, Junior, lui, n’a plus aucune famille, personne d’autre que les amies et amis qu’il s’est faits en France !
Il a essayé ici de construire le début du chemin de sa vie, mais tous les obstacles qu’il s’est efforcé de surmonter les uns après les autres, n’ont fait que s’accumuler : la perte de ses parents, la pauvreté, l’exil en France, le niveau scolaire, la précarité de sa situation administrative.
Vous direz peut-être que c’est ainsi que le monde est fait, qu’il y a des différences, qu’il y en a toujours eu. Est-ce une justification de la menace que vous faîtes peser sur lui aujourd’hui ? Une condition nécessaire et suffisante pour l’envoyer vers le chaos. Il est aujourd’hui au bon endroit pour avancer, dans un cadre affectif stable qui lui permet de compter sur la solidarité de ses ami·e·s sinon sur l’aide de ses parents

Dans l’hypothèse où vous n’auriez ni enfants ni petits-enfants qui vous auraient donné l’occasion de mesurer à quel point une vie - encore à cet âge - est fragile et dépendante, je vous dis que vous ne pouvez pas ajouter à Junior des tourments plus grands encore que ceux qu’il a connus. Vous ne pouvez pas prendre la responsabilité de rendre sa vie encore plus fragile que ce qu’elle est aujourd’hui.
En renvoyant Junior en République Démocratique du Congo vous le jetez à la rue ! Vous savez que ce n’est pas dans ce pays qu’il pourra frapper à la porte d’une assistante sociale, d’un foyer d’hébergement, d’une banque alimentaire. Vous savez qu’il n’aura là-bas aucune chance de réaliser les rêves de travail qu’il n’a déjà pas réussi à concrétiser ici, faute d’avoir obtenu l’autorisation de le faire.
Comment voulez-vous qu’il mette à profit tous les beaux enseignements qu’il a reçus au lycée, dans les associations, par ses relations personnelles, pendant ces 8 années passées en France : le respect des règles républicaines, de l’ordre public, la valeur du travail, le respect de l’autre. Vous pensez que cela va l’aider à s’en sortir dans les rues de Kinshasa ?

Comment pourriez-vous dans ces conditions être satisfaits des conséquences de votre décision ?

Je sais qu’il y a beaucoup d’autres « Junior », en détresse en France et dans le monde, d’autres qui se noient en Méditerranée, sans identité, d’autres renvoyés dans des pays dangereux, beaucoup pour lesquels moi-même je ne peux rien.
Mais ce Junior, je sais qui il est et je ne veux pas que sa vie soit brisée SANS AUCUNE RAISON VALABLE !
Peut-être que la loi vous permet de faire cela, mais vous n’en avez pas le droit.

                                                                                                                            Marie-Noëlle Vitry.

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