Editorial octobre 2016
15 oct. 2016Par ici, on ne parle que de cela.
Alors, parlons-en nous aussi !
De quoi, des bombardements sur Alep ?
Euh... non, de l'agglomération d'Orléans, en passe de devenir une « métropole ». Et pour se faire métropoliser, il faut d'abord se bouger, passer de C.A en C.U après avoir été naguère en CC et jadis en Sivom ! En effet, chez nous, ça se passe, ou ça se pense comme ça : par le biais de dispositifs d'organisation territoriale et de transferts de compétences...
Le renom d'une grande ville est lié à l'histoire, au site, au patrimoine et à la modernité, aux réseaux de transports, au dynamisme commercial et industriel, le rayonnement culturel et universitaire. Ainsi, en Europe, Anvers, Bologne, Cracovie, Dublin, Édimbourg, Fribourg, Göteborg, etc... capitales ou non, peuvent être qualifiées de métropoles. En France, Lyon, Marseille, Lille, Bordeaux, Strasbourg... le sont également.
Mais voilà que les édiles de l'agglomération d'Orléans ont fait du statut officiel de métropole un objectif majeur. Ils mettent en avant la population de l'aire d'activité, les noeuds ferroviaires et autoroutiers, l'Université et les centres de recherche, les grandes entreprises.. bref, divers atouts déjà constitués sans que l'agglomération ait bénéficié de ce fameux statut. Au prix de contorsions, de contournements des seuils, de lobbying, de pactes et de petits d'arrangements entre élus, ils font tout pour devenir métropolitains... Ils multiplient les assertions péremptoires (la métropole ou le déclin!) les métaphores sportives (entrer dans le "top 15", "monter en première division"). Ils développent un discours sur la compétition entre villes et la rivalité entre territoires au point qu'il faudra leur rappeler le principe de la solidarité interne au sein d'une République "une et indivisible"! A les croire, il faut échapper à tout prix échapper au sort affreux (?) des villes qui ne seront jamais métropoles, comme Angers, la Rochelle, Clermont-Ferrand... ou même la rivale tourangelle. Comme ils sont soulagés, sans oser le dire tous aussi explicitement que Hugues Saury en conseil municipal d'Olivet le 14 octobre, que la région Centre n'ait pas été associée aux Pays de Loire allégés de la Loire Atlantique: ça aurait pourtant constitué une grande région cohérente... mais ça aurait propulsé Tours au rang de capitale régionale, donc de métropole! Comme nous l'avons échappé belle...
Je n'ai jamais défendu ici l'esprit de clocher et le Gamo approuve qu'Olivet trouve sa place dans une structure d'agglomération qui permette la coordination et les mutualisations souhaitables. Nous ne sommes pas plus "contre la métropole" que nous ne sommes "contre l'Europe". Reste à savoir quelle métropole (et quelle Europe)! Or s'il y a pacte de gouvernance, avec à la clef, une vingtaine de vice-présidences attribuées aux édiles de droite comme à ceux du Ps, si les amateurs de cumuls et d’indemnités sont ainsi servis et convaincus, on peine à voir quels sont les apports irremplaçables du statut de métropole. Quelles seront les mesures pour l'emploi, quels seront les développements de services publics, quels seront les atouts spécifiques du statut de métropole en matière sociale, culturelle, universitaire? Ah si... rajouté en queue des articles des statuts, figure "la construction, l’aménagement, entretien et fonctionnement d'un complexe réunissant une salle sportive polyvalente, un palais des congrès et un parc des expositions". Bref, revoilà l'Arena, dont nous ne voulions pas...
On sera, disent-ils, mieux associés avec la Région pour sa politique économique.. Ah bon? Parce que la Région, bien sûr, négligerait Chartres, Blois et Bourges du fait qu'elles ne sont pas métropoles? On sera, disent-ils, mieux à même de se concerter avec le conseil départemental en matière de collèges, d'action sociale... Ah bon? Parce que, aujourd'hui, ça ne serait pas possible? "Nous nous entendons bien" jurent-ils, tout sourire. Bien, tant mieux, alors, concertez-vous et agissez! Sinon on finirait par croire que cet amour de la métropole répond surtout à un désir de reconnaissance nationale et de promotion vers de plus glorieuses fonctions.
Bah, si ça leur fait tellement plaisir, si ça met fin à des bisbilles et guéguerres intercommunales, on s'en voudrait de faire obstacle si peu que ce soit à de telles ambitions. Mais nous n'adhérons pas plus au discours qui prétend les justifier que nous ne croyons aux promesses de lendemains métropolitains qui chantent...
En des temps où se posent de grandes questions sur la nation qu'on veut être en France, sur les valeurs qui nous tiennent à cœur, sur les choix permettant de vivre ensemble, sur l'accès de chacun aux formations et à l'emploi aux soins, sur la lutte contre les exclusions et les ségrégations, il y a quelque chose d'un peu dérisoire dans cette manière locale de se hausser du col pour jouer dans la cour des grandes...
Et pendant ce temps-là, le flot des réfugiés ne tarit pas, la situation des demandeurs d'asile reste dramatique, et les bombes et attentats continuent de faire des ravages, en particulier au Proche-Orient, et spécialement en Syrie.
Mais soudain, je me demande : Alep, au fait, c'est une métropole ou une simple agglo ?
PS : La boîte à livres de la place Louis Sallé m'a fait retrouver et relire J'ai quinze ans et je ne veux pas mourir de Christine Arnothy. Bombardements sur Budapest, fuite éperdue pour survivre et trouver ailleurs qu'en Hongrie un autre destin possible, misère et sort précaire des réfugiés... ce livre prenant parle de tout cela. Et fait écho à ce qui aujourd'hui nous interpelle: le sort des migrants et, sur Alep, les bombes...