Les poètes de sept ans... Ce poème sublime et dérangeant du jeune Rimbaud, lisez-le, relisez-le, écoutez Léo Ferré le chanter et vous ne porterez plus jamais le même regard sur l'enfance, ni sur la poésie. Rimbaud avait eu le temps d'éblouir, puis de partir loin, puis de mourir , à 37 ans.

René Guy Cadou avait 31 ans quand, le 15 février 1952, à Louisfert près de Chateaubriant le cancer l'a emporté, lui qui n'avait que rarement quitté sa terre natale, la Loire-Atlantique (on disait lors Loire Inférieure), Nantes et Sainte Reine de Bretagne...

Sainte-Reine-de-Bretagne
En Brière où je suis né
À se souvenir on gagne
Du bonheur pour des années !

Est-ce toi qui me consoles
Lente odeur des soirs de juin
Le foin mûr des tournesols
Le chant d’un oiseau lointain ?

C’est la pluie ancienne et molle
Qui descend sur le jardin
Et ma mère en robe blanche
Un bouquet dans chaque main.


(René-Guy Cadou, Les Amis d’enfance, 1965)

Il était né le 15 février 1920. Voilà donc très bientôt cent ans. Des collèges, des bibliothèques et des écoles (dont une, non loin, à La Source) portent son nom. Des manifestations commémoratives sont prévues ici ou là, en particulier  à Sainte Reine et à Mauron (voir ci-dessous).

Pourquoi parler ici de tout cela?

Parce que c'est le centième anniversaire d'un poète mort depuis longtemps? Oh, les commémorations, bon...

Parce que les mots de Cadou, de Rimbaud et de tant d'autres encore ne cessent de dire ce qui plus que le reste compte vraiment. Et en tout cas bien plus que les propos de campagne électorale, parole de "tête de liste"...

Parce que la poésie de Cadou est traversée de vols d'oiseaux, de grandes plaines parcourues de chevaux, de jardins et de roses, de vergers et d'abeilles, et de moineaux... et que ce monde-là, on le sent bien, est menacé. Derrière les grands mots ronflants de lutte pour le maintien de la biodiversité et contre les pesticides, de taux de bio dans les cantines, d'exigences écologiques, chacun met un peu de soi-même et de son histoire.

Parce que la poésie de Cadou est pleine d'amour et peuplée d'amis, de voisins postiers et menuisiers, d'enfants des écoles, de gens humbles qui ne vont pas à Paris, de solidarité sans grandiloquence, de cette empathie qui baigne le célèbre poème sur les fusillés de Châteaubriant, ces otages dont il avait entrevu le transfert vers la sinistre carrière où ils seraient exécutés.

 

Les fusillés de Châteaubriant
Ils sont appuyés contre le ciel
Ils sont une trentaine appuyés contre le ciel,
Avec toute la vie derrière eux
Ils sont pleins d’étonnement pour leur épaule
Qui est un monument d’amour

Ils n’ont pas de recommandation à se faire
Parce qu’ils ne se quitteront jamais plus
L’un d’eux pense à un petit village
Où il allait à l’école
Un autre est assis à sa table
Et ses amis tiennent ses mains
Ils ne sont déjà plus du pays dont ils rêvent
Ils sont bien au dessus de ces hommes
Qui les regardent mourir
Il y a entre eux la différence du martyre
Parce que le vent est passé là où ils chantent
Et leur seul regret est que ceux
Qui vont les tuer n’entendent pas
Le bruit énorme des paroles
Ils sont exacts au rendez-vous
Ils sont même en avance sur les autres
Pourtant ils disent qu’ils ne sont plus des apôtres
Et que tout est simple
Et que la mort surtout est une chose simple
Puisque toute liberté se survit.

 

Et puis, si je parle ici de Cadou, c'est bien sûr aussi pour des raisons toutes personnelles. Hélène Haglund était nièce d'Hélène Cadou et a donné une très grande place, dans sa vie comme dans son métier de professeur, à la poésie, celle de Cadou et de tant d'autres. Certains anciens élèves du collège Charles Rivière à Olivet s'en souviennent certainement... C'est en février 1999 qu'elle a rendu les armes après avoir tant lutté contre le cancer et cru, parfois, en avoir triomphé.

La vie continue, avec ses joies et ses peines... et ses campagnes municipales dont je reparlerai bientôt.

Et je relis ces deux strophes de Cadou:

"Voyageurs de ma vie
Qui parcourez sans peine
Cet océan de brume
Entre le monde et moi

Je reste à vous attendre
Au bord de ma fenêtre
Soleils tant attendus
Par les jours de grand froid! "

Ah, je ne veux surtout pas oublier que si, aujourd'hui encore, des enfants de sept ans, aujourd'hui, s'émerveillent ou s'agacent, et tracent quelques lignes en jouant avec des mots... un très vieux monsieur, vivant dans ce monde qui est le nôtre, mérite qu'on lui prête une oreille attentive! C'est un poète de cent ans (et un de plus) nommé René de Obaldia, qu'une émission sur France Inter permet de mieux connaître.
 

 

 
René Guy Cadou à Sainte Reine de Bretagne (44) le 14 Février et à Mauron (56) le 16 Février 2020
 
 
 
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