La question du Centre de Rétention administrative d'Olivet est dans bien des esprits.

Elle le sera, en tout cas, lors du conseil municipal du vendredi 29 novembre puisqu'un élu (minoritaire) Dominique Ragon, a posé à ce sujet une question au maire.

Elle l'est pour les lecteurs assidus de Médiapart puisque un texte signé par différentes personnalités locales dont vous connaissez peut être certaines a été publié sur ce site.

Il est reproduit ci-dessous, ainsi que la liste des signataires.

Ni la question au maire, ni la réponse qu'il donnera, ni la pétition (ou plutôt l'appel ci-dessous) ne changeront sans doute rien à la construction à Olivet du seul CRA de la Région Centre Val de Loire.

Mais, pour beaucoup, il s'agit de prendre date, d'agir par les mots selon sa conscience, de parler selon ses sentiments et le regard qu'on peut jeter sur la situation de l'accueil réservé, dans notre pays, à celles et ceux qui ont tout fait pour y parvenir et y rester.

Cette affaire du CRA d'Olivet a déjà fait l'objet d'un article publié sur Olivet Mag le vendredi 20 septembre, (deux mois, déjà...) avec pièces jointes empruntées à la Cimade et liens vers divers documents.

Je vous évite la peine d'aller le rechercher et je reproduis les réflexions que cela m'avait inspirées. Pour moi, la question ne se résout pas par des slogans à l'emporte pièces, aussi généreuses que soient les pensées et les réactions "viscérales" qui les inspirent. Que dire? Que penser? Que faire?

Les commentaires seront les bienvenus!

 

 

Nous ne voulons pas de Centre de rétention administrative, ni à Orléans, ni ailleurs

 

L’État a pris la décision d’ouvrir un Centre de rétention administrative à Olivet, en agglomération immédiate d’Orléans, dans le Loiret. Son ouverture est programmée pour 2023.

Membres de la société civile d’Orléans et du Loiret, militant·es associatifs et associatives, syndicalistes, universitaires, écrivain·es, acteurs et actrices de la vie culturelle et artistique, nous voulons dire ici le rejet viscéral que nous inspire ce projet.

Un Centre de rétention administrative c’est une prison pour étranger·es.

C’est un endroit où l’on enferme des femmes, des hommes, des enfants au seul titre qu’elles et ils sont « sans-papiers ».

Il existe aujourd’hui 24 Centres de rétention administrative et 26 Locaux de rétention administrative en France et dans l’Outre-mer.

La décision de l’État d’ouvrir un vingt-cinquième Centre de rétention administrative dans le Loiret, l’a été « en toute discrétion » comme l’a révélé La République du Centre le 17 septembre.

Elle a entre autre été prise pour éviter aux forces de l’ordre la pénibilité du trajet jusqu’au Centre de rétention administrative de Rennes. Nous peinons même à commenter cette information tant elle semble irréelle. Elle est malheureusement représentative d’un monde qui sombre chaque jour un peu plus dans la barbarie.

Faut-il rappeler que, plusieurs fois,la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour les conditions de détention en leur sein ?

À de nombreuses reprises, la Cimade a dénoncé des espaces extrêmement sécuritaires et déshumanisés, où la surveillance est incessante et interdit toute intimité.

Que dire des conditions mêmes d’expulsion du territoire dont la violence a été maintes fois documentée.

Les femmes, les hommes et les enfants qui ont traversé des milliers de kilomètres pour arriver jusqu’ici ne l’ont pas fait de gaité de cœur. Les récits de leurs parcours sont jonchés d’horreur. Elles et ils subissent ici une « politique de l’immigration » qui en fait des dossiers à traiter, des corps à caser un jour, à expulser plus tard.

L’instrumentalisation de la prétendue « question » de l’immigration par le pouvoir est un témoin de la pénétration des thèmes et idées de l’extrême droite dans la vie politique hexagonale.

Nous défendons à l’inverse des valeurs d’égalité et de solidarité.

Nous appelons la population d’Orléans et du Loiret à se mobiliser pour que ce Centre de rétention administrative ne voit pas le jour. Nous voulons que soient fermés les centres et locaux de rétention et que soient supprimées plus largement toutes les formes d’enfermement spécifiques aux personnes étrangères.

Ni ici, ni ailleurs, ni aujourd’hui, ni demain nous n’accepterons les prisons pour étranger·es. Personne n’est illégal.

 

Signataires :

 

Gabriel Bergounioux, Professeur de linguistique, Université d’Orléans

Emmanuel Bruneau, enseignant, syndicaliste SNFOLC Loiret

Janine Carrein, ASTI Orléans

Sophie Chaduteau, professeure des écoles, syndicaliste SNUipp-FSU Loiret

Bruno Chirouse, syndicaliste FSU Loiret

Myriam Djebour, responsable de l’action culturelle du Cinéma Les Carmes

Maurice Elain, Cercle de silence d’Orléans

Karin Fischer, Professeure en études irlandaises et britanniques, Université d’Orléans

Aline Henninger, maîtresse de conférence en japonais, Université d’Orléans

Iwan Lépingle, auteur de bande dessinée

Majnun,artiste, auteur/compositeur/interprète

Marie-Aude Murail, écrivain

Christophe Petit, enseignant, CGT éduc’action Loiret

Ségolène Petit, Collectif de soutien aux jeunes isolés étrangers du Loiret

Théo Roumier, syndicaliste SUD éducation Loiret en Lycée professionnel

Ruff, rappeur, Gilet jaune

Chantal Thabourin, RESF Loiret

Sophie Todescato, libraire

Laélia Véron, maîtresse de conférence en stylistique, Université d’Orléans

Tanguy Viel, écrivain

Antoine Volodine, écrivain

Nelly Wedajo, SUD Santé-Sociaux Loiret

Extrait de l'article de JC Haglund dans l'article CRA, CRA! du 20 septembre.

Que penser de tout cela? Non, plutôt au fond, moi, qu'est-ce que j'en pense? C'est sans doute ce que chacun devrait se poser comme question...

Alors, pour moi, voici. Et comme on dit les propos ci-dessous n'engagent que leur auteur...

Évidemment, j'aurais été bien plus heureux d'apprendre la construction sur Olivet d'une salle de cinéma ou d'une halle pour marché de producteurs bio locaux!

Pour autant, j'apprécie peu les réflexions du type "nimby" (not in my backyard... pas derrière chez moi...): "ils auraient dû bâtir ça en grand banlieue, en pleine campagne, dans la Beauce... Chez nous, ça va faire bizarre..." Eh oui, avec ce CRA, c'est tout un univers qui s'installe entre le campus et le cœur de notre paisible bourg... Un univers et des mots, des idées, des images qui dérangent ou  interpellent : migrants, sans papiers, expulsions, situations irrégulières, familles bouclées, gosses dans ce qui n'est pas une prison, mais s'en rapproche par bien des aspects, drames en Méditerranée, et plus récemment dans la Manche...

Il y a tout cela derrière un CRA! Et la notion de rétention administrative renvoie à des moments d'histoire peu glorieux, par exemple quand des camps étaient ouverts, à la veille de la guerre, pour y retenir  des républicains espagnols, des allemands parmi lesquels beaucoup étaient venus en France parce qu'ils avaient fui l'Allemagne nazie.

Pour autant, un CRA est une installation légale, et l’État est en effet dans son droit quand il en construit un sur un terrain qui lui appartient et là où il le juge bon. Et à tout prendre, c'est peut-être mieux que la rétention se passe dans des locaux neufs, propres, adaptés à sa fonction mais aussi à la dignité des personnes internées qui, rappelons-le, ne sont pas des délinquants et ont des droits, en particulier celui de faire valoir leur droit en matière de séjour, de santé, de famille.

Quand il existait à Cercottes un CRA dans des locaux, on n'entendait pas trop de protestations contre son existence... Et pourtant, il fut fermé par le ministre de l'Intérieur Besson car jugé inapte à respecter la dignité des personnes retenues. Il faut aussi avoir cela en tête quand on s'indigne de la construction du CRA à Olivet...

Est-ce à dire qu'il ne faut pas s'indigner?

Si... mais d'abord de l’écœurante mauvaise volonté des États à assumer leur devoir de secourir en mer celles et ceux qui y risquent leur vie et à le faire quoi qu'on pense des "raisons" qui ont mené les migrants à tenter ces traversées de l'espoir, ces traversées pour échapper à l'enfer de ces zones où, en Libye, ils sont parqués, brutalisés, violentés.

Si... mais d'abord de la  tentation rampante ou clairement explicitée de ne rien faire, ou le moins possible pour accueillir, aider celles et ceux qui veulent s'installer parmi nous (une goutte d'eau dans le vaste mouvement des populations dans le monde) à accéder à l'hébergement, puis au logement, au travail, à l'emploi, à la formation, à l'éducation... bref à tout ce qui peut contribuer à l'insertion et à l'intégration.

Si... mais d'abord de l'allongement de la durée maximum de la rétention, des entraves mises à l'exercice par les Associations agréées de leur rôle d'écoute, d'aide aux démarches et dossiers, de tout ce qui peut retarder le contrôle par le juge de la situation des intéressés. Car enfin, c'est bien au droit et à la justice que doit revenir le dernier mot d'en un État de droit.

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