CRA CRA ?
20 sept. 2019C'est un sujet qui a surpris et qui suscite des réactions:
voilà donc qu'à Olivet se construit un CRA, Centre de rétention administrative.
Au cas où vous ne l'auriez pas lu, voici ci-dessous l'article de La République qui a fait connaîtrece dont seuls quelques initiés avaient eu vent:
2023 à Olivet Publié le 17/09/2019 à 10h58
C'est sur cette parcelle boisée d'un hectare, aux abords du campus, que le centre de rétention administrative sera créé.
Un centre de rétention administrative de 90 places, destiné aux étrangers en instance d’expulsion, devrait ouvrir ses portes, en lisière du campus de La Source, en 2023.
C’est en toute discrétion que la parcelle concernée a été partiellement déboisée au mois de mai. En 2023, un centre de rétention administrative (CRA) devrait ouvrir ses portes, rue de Châteauroux, à Olivet, en lisière du campus de La Source.
Cet "équipement administratif", comme il est très sobrement indiqué sur les arrêtés préfectoraux qui marquent l’entrée du chantier, s’étendra sur un peu plus d’un hectare, le long de la ligne de tram. Le budget des travaux est estimé à un peu plus de 9,5 millions d’euros.
Le seul en région Centre-Val de Loire
Le CRA est une sorte de sas destiné aux étrangers en situation irrégulière – aux yeux de la préfecture – et en attente d’expulsion. Il est placé sous surveillance policière. Si les personnes qui s’y trouvent sont de fait privées de liberté, elles ne sont pas considérées comme détenues et peuvent, par exemple, disposer d’un téléphone.
Le centre prévu à Olivet comportera 90 places et sera le seul, à ce jour, en région Centre-Val de Loire. Il intégrera également 1.200 mètres carrés de bureaux pour la police de l’air et des frontières (PAF). En 2010, un local de rétention administrative, de moindre importance, avait été fermé par l’État à Cercottes, après cinq ans d’existence.
L’absence de CRA à proximité immédiate du Loiret oblige, aujourd’hui, les policiers locaux à des allers-retours réguliers à Rennes, le département dépendant de la zone de défense et de sécurité Ouest. C’est d’ailleurs le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (Sgami) de la zone qui est à l’origine de ce chantier à Olivet.
La ville n’a pas été associée au projet et je ne peux m’y opposer
Matthieu Schlesinger (Maire d'Olivet)
"C’est un projet de l’État, sur un terrain qui lui appartient. J’ai été appelé au printemps par le préfet, m’expliquant que le ministère de l’Intérieur souhaitait créer un CRA dans la métropole d’Orléans parce que c’est une métropole de région, qu’Orléans se trouve près d’un aéroport et dispose d’un tribunal administratif et d’un juge des libertés et de la détention." C’est ce dernier qui peut décider de prolonger, ou non, la rétention, si l’expulsion n’intervient pas dans les 48 heures.
Les lieux ont notamment été choisis en raison de leur accessibilité.
Coincé entre le campus et une zone d’activités, le futur CRA d’Olivet ne devrait pas soulever la fronde de riverains. "J’ai demandé à l’ancien préfet que le site ne soit pas trop déboisé. Le bâtiment devrait être en retrait par rapport à la rue. Le point positif, c’est que cela devrait accroître la présence policière à Olivet", note Matthieu Schlesinger.
La ville sera tout de même associée au choix de l’architecte. Les candidats ont rendu leur copie au début de l’été.
Alexandre Charrier
Que penser de tout cela? Non, plutôt au fond, moi, qu'est-ce que j'en pense? C'est sans doute ce que chacun devrait se poser comme question...
Alors, pour moi, voici. Et comme on dit les propos ci-dessous n'engagent que leur auteur...
Évidemment, j'aurais été bien plus heureux d'apprendre la construction sur Olivet d'une salle de cinéma ou d'une halle pour marché de producteurs bio locaux!
Pour autant, j'apprécie peu les réflexions du type "nimby" (not in my backyard... pas derrière chez moi...): "ils auraient dû bâtir ça en grand banlieue, en pleine campagne, dans la Beauce... Chez nous, ça va faire bizarre..." Eh oui, avec ce CRA, c'est tout un univers qui s'installe entre le campus et le cœur de notre paisible bourg... Un univers et des mots, des idées, des images qui dérangent ou interpellent : migrants, sans papiers, expulsions, situations irrégulières, familles bouclées, gosses dans ce qui n'est pas une prison, mais s'en rapproche par bien des aspects, drames en Méditerranée, et plus récemment dans la Manche...
Il y a tout cela derrière un CRA! Et la notion de rétention administrative renvoie à des moments d'histoire peu glorieux, par exemple quand des camps étaient ouverts, à la veille de la guerre, pour y retenir des républicains espagnols, des allemands parmi lesquels beaucoup étaient venus en France parce qu'ils avaient fui l'Allemagne nazie.
Pour autant, un CRA est une installation légale, et l’État est en effet dans son droit quand il en construit un sur un terrain qui lui appartient et là où il le juge bon. Et à tout prendre, c'est peut-être mieux que la rétention se passe dans des locaux neufs, propres, adaptés à sa fonction mais aussi à la dignité des personnes internées qui, rappelons-le, ne sont pas des délinquants et ont des droits, en particulier celui de faire valoir leur droit en matière de séjour, de santé, de famille.
Quand il existait à Cercottes un CRA dans des locaux, on n'entendait pas trop de protestations contre son existence... Et pourtant, il fut fermé par le ministre de l'Intérieur Besson car jugé inapte à respecter la dignité des personnes retenues. Il faut aussi avoir cela en tête quand on s'indigne de la construction du CRA à Olivet...
Est-ce à dire qu'il ne faut pas s'indigner?
Si... mais d'abord de l’écœurante mauvaise volonté des États à assumer leur devoir de secourir en mer celles et ceux qui y risquent leur vie et à le faire quoi qu'on pense des "raisons" qui ont mené les migrants à tenter ces traversées de l'espoir, ces traversées pour échapper à l'enfer de ces zones où, en Libye, ils sont parqués, brutalisés, violentés.
Si... mais d'abord de la tentation rampante ou clairement explicitée de ne rien faire, ou le moins possible pour accueillir, aider celles et ceux qui veulent s'installer parmi nous (une goutte d'eau dans le vaste mouvement des populations dans le monde) à accéder à l'hébergement, puis au logement, au travail, à l'emploi, à la formation, à l'éducation... bref à tout ce qui peut contribuer à l'insertion et à l'intégration.
Si... mais d'abord de l'allongement de la durée maximum de la rétention, des entraves mises à l'exercice par les Associations agréées de leur rôle d'écoute, d'aide aux démarches et dossiers, de tout ce qui peut retarder le contrôle par le juge de la situation des intéressés. Car enfin, c'est bien au droit et à la justice que doit revenir le dernier mot d'en un État de droit.
Pour information, je présente ci-dessous un communiqué de la CIMADE à propos de ce CRA à Olivet qui comporte quelques liens pour qui voudrait en savoir plus.
PS Je suis ébahi par la remarque du maire d'Olivet, rapportée par la journaliste:"
"Le point positif, c’est que cela devrait accroître la présence policière à Olivet"
Comme si la tâche des policiers qui devront amener, transférer, ramener... les personnes en rétention était en quoi que ce soit liée à la sécurisation de la commune et au juste désir de tranquillité de ses habitants...
Comme si, justement, les policiers orléanais n'avaient pas dénoncé le risque que cet activité "CRA" entraîne une augmentation de leurs tâches et horaires et conduise à une moindre disponibilité pour leurs missions habituelles.
Mais bon, c'était peut-être un propos irréfléchi, qui sait?
Alors que le Président de la république durcit encore son discours sur le thème des migrations, la création d’un nouveau centre de rétention dans le Loiret est lancée.
Ce lieu de privation de liberté pour des personnes étrangères visées par une expulsion comptera 90 places. L’enfermement à Olivet des premières personnes est prévu pour 2023.
Ce projet concrétise la politique répressive mise en place par le gouvernement qui a déjà augmenté de 480 places la capacité des centres de rétention au niveau national. Les décisions d’enfermement en rétention sont nombreuses dans la région Centre avec des pratiques préfectorales toujours plus dures.
Rappelons que l’enfermement des personnes étrangères en rétention n’est pas une mesure de justice mais une mesure administrative, une loi d’exception réservée aux personnes étrangères alors qu’elles n’ont pas commis de délit. Le contrôle d’un juge n’intervient que postérieurement à cet enfermement.
Depuis la loi du 10 septembre 2018, la durée de rétention a été portée de 45 à 90 jours. Cet allongement de la durée de rétention, et plus largement la politique très répressive mise en œuvre, génèrent des drames et des tensions au sein de ces centres de plus en plus intenables. La Cimade et nombre d’associations ont dénoncé cette évolution à travers une lettre ouverte au ministre de l’intérieur. Le retrait d’une des équipes de La Cimade au centre de rétention du Mesnil-Amelot cet été est aussi la conséquence de cette politique.
La politique d’enfermement toujours plus répressive ne fait qu’ajouter de la douleur à la précarité, précarité entretenue et souvent créée par les autorités préfectorales par leurs pratiques restrictives envers les personnes étrangères.
> Pour aller plus loin :
Guide de La Cimade « Dénoncer la machine à expulser ».
Rapport inter-associatif 2018 sur les centres de rétention.
Page du site internet de La Cimade sur la rétention et l’expulsion.