Vélo, Volontarisme et Urgence environnementale
13 mars 2019Un de nos amis et fidèles lecteurs, Joël Daroussin, a tellement bien préparé sa participation à l'atelier PDU (Plan de Déplacement Urbain) du 15 mars à Olivet... qu'il a abouti à une argumentation sur l’urgence : diminuer l’usage de la voiture au profit des vélos et des transports en commun et aménager les voies de circulation en conséquence.
Il a bien voulu en faire profiter Olivet Mag.
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Toutes les propositions de détails présentées en atelier sont bonnes à prendre. Mais ne nous y trompons pas : elles doivent avant tout être motivées par une transformation radicale des politiques publiques en matière de transport et des modes de pensée des services techniques chargés de les mettre en œuvre. Il est plus que temps de « changer de logiciel ».
L’urgence climatique nous impose de prendre des mesures drastiques pour réduire nos émissions de gaz à effets de serre (GES), notamment nos émissions de dioxyde de carbone (CO2), notamment celui émis par les transports. Cela passe, entre autres, par une réduction massive de l’usage des moyens de transports individuels motorisés en ville (y compris électriques et y compris deux roues motorisés). Penser que l’on peut continuer à mobiliser l’énergie nécessaire pour déplacer plus d’une tonne de matériel pour transporter une seule personne sur des distances courtes et moyennes a de tous temps été déraisonnable et même nuisible. Aujourd’hui cette attitude complètement obsolète n’est pas seulement devenue une utopie. Avec la conscience que l’on a désormais des enjeux, cette attitude est désormais condamnable et il n’est sans doute pas loin le temps où elle sera criminelle. Une politique volontariste de développement de moyens de transports « propres » en ville et dans leur proximité doit donc, dès aujourd’hui devenir une priorité absolue.
Cela passe incontestablement par le développement des transports en commun, de l’auto-partage, du covoiturage, etc. Il s’agit de réduire à son minimum la quantité d’énergie consommée par personne et par unité de distance parcourue. Dans ce calcul il faut tenir compte de la consommation d’énergie globale, c'est-à-dire celle consommée directement (le carburant dont on remplit le réservoir), mais aussi de toute l’énergie consommée indirectement dans la construction et dans l’entretien des véhicules et des infrastructures de circulation, mais encore de l’ensemble des effets négatifs (ces fameuses « externalités négatives ») induits en terme de sécurité (accidentologie), de santé (pollutions de l’air, de l’eau, des sols, sonore, etc.) et d’environnement (les mêmes pollutions plus l’artificialisation des sols, la destruction de zones naturelles et agricoles, l’extractivisme forcené des énergies aussi bien fossiles que de substitution et leur transport, les émissions de GES, etc.).
Mais quoi que l’on fasse sur ce terrain, les deux roues légers (vélos, trottinettes, etc.) resteront le seul moyen de transport individuel véritablement propre et de surcroît a effet positif sur la santé. Il nous faut donc une politique globale de transport qui soit audacieuse dans le sens de la mise en faveur de ce moyen-là en particulier. Il s’agit tout simplement d’inverser les pratiques : que leur usage devienne la norme. Pour cela il faut le rendre attractif, sûr, favorable. Et donc cela passe par une inversion de moyens : combien de kilomètres de piste cyclable le budget d’un seul rond-point permettrait-il de construire ? Cela passe aussi par une inversion de règlementation, notamment une inversion des priorités sur la voie publique : d’abord les piétons, ensuite les deux-roues légers et en dernier les véhicules motorisés. Et cela passe par une inversion dans les esprits : il faut interdire la publicité pour les voitures comme on l’a fait pour l’alcool et encourager toute forme de valorisation et d’éducation à l’usage des transports propres.
En termes d’infrastructures, il faut inverser le maillage du réseau routier avec celui du réseau cyclable, en prévoyant aussi leur stationnement. Il faut que les pistes cyclables bénéficient d’une sécurité totale vis-à-vis des véhicules motorisés (notamment en inversant les règles de priorités) mais aussi vis-à-vis des piétons. Il faut aussi qu’elles bénéficient du meilleur confort possible : lissage de ces maudits bateaux aux entrées/sorties ainsi que du revêtement pour supprimer tout chaos et ondulations. Il faut élargir à l’ensemble de l’agglomération l’accès aux vélos en abonnement ou location et en assurer la disponibilité permanente.
L’usage des véhicules électriques doit être limité aux deux roues car ce mode de motorisation ne résout aucun des problèmes engendrés par les véhicules motorisés en général. Il ne fait que déplacer les pollutions des villes vers les centrales de production d’énergie et y surimpose d’autres formes de pollutions par les batteries et de dépendances par les matières premières qu’elles nécessitent (« terres rares » notamment). L’usage des deux roues électriques doit être réservé aux situations particulières : distance, âge ou état de santé.
L’ensemble des dispositifs mis en places doit être incitatif : l’usage de véhicules motorisés doit être rendu de plus en plus difficile alors que l’usage de véhicules non motorisé doit être encouragé, par exemple fiscalement. Certes il faut innover technologiquement, mais seulement dans le domaine de la durabilité des objets consacrés aux transports, y compris les infrastructures : leur « réparabilité », leur « partageabilité », leur réutilisabilité, leur « recyclablité », leur sobriété énergétique, limiter les gadgets embarqués, notamment l’électronique, bref, il faut penser « low tetch ». Parallèlement, il faut déplacer la direction que l’on donne à notre besoin perpétuel d’innovation de pointe depuis le terrain technologique vers le terrain social : s’interroger sur notre capacité à produire du bonheur pour tous plutôt qu’une concentration croissante de richesses matérielles au profit de quelques-uns. En matière de transport cela passe, par exemple, sur ce qu’il y a à inventer pour que la société assume aujourd’hui la gabegie et les erreurs d’hier qui, entre autres, ont contraint les classes moyennes et pauvres à s’éloigner vers le périurbain tout en les rendant dépendantes de modes de transports individuels et motorisés : comment faire pour que ces populations, contraintes aujourd’hui à se déplacer sur des distances moyennes, puissent participer et être intégrées pleinement et sans douleur à ce mouvement vers leur transport propre ? Voilà où placer l’innovation.
On peut penser que ce projet est irréalisable. Mais rappelons-nous que nous avons nous-mêmes vécu sans voiture, que la majorité de la population de la planète vit encore sans voiture, et que d’autres pays développés ont bien avancé sur la voie de cette mutation. On peut s’inquiéter des effets d’un tel projet sur l’économie du pays et sur son corolaire de « progrès » technologique. Mais quel sens un système centré sur de telles valeurs a-t-il s’il nous conduit vers des villes et, plus généralement, un monde invivables ? On peut s’inquiéter du budget à consacrer à un tel projet. Pourtant, n’importe quelle étude comparative montrera sans aucun doute que ce budget sera infiniment moindre que celui consacré aux transports motorisés, surtout si l’on tient compte de leurs externalités négatives. Aucun contre-argument ne tient face à l’urgence environnementale qui s’impose désormais à nous. Prendre ce virage n’est plus qu’une question de volonté politique au sens d’une saine gestion de la cité.
jdaroussin1.com@laposte.net