Une agriculture bio près de chez nous?
24 sept. 2017une agriculture péri-urbaine,
intégrée à la Métropole orléanaise
est possible
Le 21 septembre à Mareau aux Prés, une réunion publique passionnante a rassemblé des agriculteurs âgés désirant céder leurs terres et d’autres jeunes cherchant à acquérir des exploitations agricoles, et aussi des élus de la Métropole, des militants associatifs et un public intéressé par la question de l’installation d’agriculteurs « bio » (maraîchers ou arboriculteurs) sur les territoires de nos communes de l’Orléanais. Sur une soixantaine de personnes, le public était composé d’une quinzaine de personnes du milieu agricole, et tous les présents étaient des consommateurs de meilleurs produits ... pourquoi pas bio !
Cette réunion s’inscrivait dans l’Agenda 21 de Mareau-Mézières mais nos amis d’Olivet en transition avaient organisé un covoiturage : il y avait donc aussi une voiturée d’Olivetains.
Pour défricher la question, Emmanuelle Bernardon (Chambre d’Agriculture) a présenté un double témoignage mettant en évidence ce qui, d’expériences vécues, peut freiner ces installations et ce qui peut aider à faire avancer les choses.
Une exploitante ayant cédé son unité de 15 ha (fruits et légumes bio depuis 1964) a listé les problèmes lors de la cession : comment maintenir groupées les parcelles autour des bâtiments de ferme et d’habitation ? Comment transmettre un patrimoine viable ? Comment surmonter les lourdeurs administratives et les moyens financiers nécessaires à la réussite de la transmission ? … Ce qui, dans son cas, a favorisé la reprise par un jeune, c’est que cédant et reprenant partageaient les mêmes options bio, le même esprit de coopération, alors qu’en « conventionnel » règne surtout la logique de concurrence. Et quand en plus, l’outil de travail cédé est viable d’entrée de jeu, ça aide !
Ce qui aide aussi, c’est pour le reprenant d’être lui-même issu du milieu agricole, d’avoir même travaillé auparavant sur l’exploitation, d’avoir bénéficié d’une formation et d’un accompagnement par la CA, d’avoir anticipé en ayant amassé un apport financier personnel. La volonté politique des mairies joue bien sûr aussi son rôle dans cet inventaire des freins et des leviers possibles que la cédante et le jeune repreneur ont exposé au public.
Emmanuelle Bernardon a précisé le rôle et les méthodes de la Chambre d’Agriculture. À partir d’une liste de repreneurs potentiels (une centaine), la CA a pris contact avec les 24 agriculteurs du territoire de la communauté de communes du Val d’Ardoux. 70% d’entre eux ont 50 ans et plus et ils n’ont pas tous de repreneurs potentiels dans leur famille ! La CA procède par recensement, rencontres individuelles, repérage des projets viables, aide juridique, planification des étapes sur 2 ans en moyenne… Elle répond ainsi à une demande conjointe des élus et responsables agricoles locaux et à la société qui veut vivre plus sainement.
Selon Laurent Baude, maire de Semoy, chargé de l’agriculture à Orléans Métropole, le contexte métropolitain est favorable avec 1/3 de la surface métropolitaine en terres agricoles et des possibilités de livraisons faciles, peu coûteuses en temps et en empreinte carbone…Mais concrètement, à Semoy, il a fallu une volonté politique forte pour résoudre 5 questions pour installer un agriculteur bio : le rachat du foncier par la ville et sa mise à disposition de l’agriculteur moyennant la signature d’un contrat de location, la mise en adéquation de nouveaux bâtiments avec le PLU (avec des Zones inondables et Zones d’habitation), l’accès à l’eau par forage d’irrigation, l’installation de clôtures… et la formation de l’arrivant.
Comment nourrir 280 000 habitants, approvisionner les cantines scolaires, les hôpitaux, les EPADH sans relier les ruraux et les urbains par le commerce, la confiance et la solidarité ? Alors, il faut pérenniser le foncier, organiser une couveuse agricole pour les jeunes qui veulent s’installer. Faire une charte agricole, des zones agricoles protégées (à Olivet, ça a commencé…). Une organisation de la vie en commun au sein de la Métropole : la définition même du mot « Politique ».
Pour Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau, des ZAP, soit… mais seulement si elles servent à construire les échanges entre agriculteurs et population à nourrir! L’urbaniste, Philippe Verdier (Université citoyenne du Val de Loire) est partisan de cette solidarité des territoires ruraux et urbains mais note qu’actuellement une part très faible du territoire est tournée vers la nourriture des habitants de ce territoire ! Notre agriculture est grandement tournée vers l’exportation. Ne faut-il pas procéder à une sorte de « remembrement inversé » et poser cette question de l’installation des accédants dans un projet d’ensemble (Eau, Énergie, Chemins, Arbres à planter...) ?
Jean-Marc Prigent (Terres de Lien) indique que pour contribuer au financement solidaire d’une agriculture biologique et paysanne, il faut prendre en compte l’augmentation des prix du foncier (plus 40 % en 10 ans) et la grande faiblesse du taux moyen en matières organiques de la couche travaillée des sols (TMO = 1,3 %) ce qui cause beaucoup de problèmes de travail du sol en maraîchage !
En matière de mutations foncières, environ 40% va à l’agrandissement des exploitations voisines, jusqu’à saturation de l’exploitant, 10 % seulement va au renouvellement des agriculteurs et le reste (50%) est pris à l’agriculture pour servir à d’autres usages, principale cause d’érosion des sols en France !
Dans ce contexte, Terres de Liens, Association nationale reconnue d’Utilité Publique (2006) mène une politique foncière alimentée par les cotisations des citoyens. Elle a pu acheter 125 fermes et emploie 61 salariés. Depuis 2013, c’est aussi une fondation (alimentée par des dons) qui complète les cotisations des adhérents. Elle repère les exploitations à céder (et c’est très compliqué dans ce milieu agricole très secret), elle reçoit les porteurs de projets, ne retient que des projets fiables (18 projets retenus/1000 demandes/an), puis achète les terres, souvent aux SAFER, en fonction des besoins du projet de l’accédant et suit son installation …
En Région Centre-Val de Loire, la tendance des jeunes va plutôt vers une agriculture pluriactivités. Ainsi à Couddes (41), Terres de Liens a dû acheter 30 ha pour entourent 4 ha en maraîchage bio et pouvoir les isoler de l’environnement traité en agriculture conventionnelle. La personne, formée en « couveuse » pendant 2 ans et devenue très compétente, a ainsi repris en main des sols très dégradés par les pratiques agricoles du cédant. Le nouveau fonctionnement du sol est spectaculairement amélioré, décompacté biologiquement et nettement plus poreux : les cultures profitent d’un sol exploitable par les racines beaucoup plus volumineux (moins de besoins en eau d’irrigation, suppression des risques d’inondation et de manque d’air dans la couche travaillée en surface)
La discussion, nourrie, avec la salle a aussi permis d’entendre des questionnements sur le Manque de main d’œuvre, notamment en agriculture bio où les économies faites sur les produits (engrais, traitements, carburants) et les matériels sont compensées par des versements de salaires ! Des emplois dans un environnement sain ! Les partenaires appelés à intervenir notamment sur le foncier ou/et le suivi des repreneurs : SAFER, ARDEAR Centre, Terre de liens…tous plus ou moins complémentaires auraient pu être plus largement présentés.
L’ensemble des intervenants, dont l’AMAP du Val d’Ardoux, estime que le marché du bio est très porteur : forte demande de produits bio non transformés mais le nombre d’agriculteurs bio est insuffisant et souhaite que la CA accentue son activité d’aide au passage en bio !
Bref, par les exposés, les questionnements et les réponses apportées, ce fut là une rencontre dense et enrichissante. Elle a éclairé les Olivetains présents sur les perspectives à Olivet. Olivet où la ZAP a été « enclenchée » et est très bien située par rapport aux forages d’eau potable pour proposer des légumes et fruits frais bio aux habitants de la Métropole, donc d’Olivet, mais où la ré-installation d’agriculteurs bio sur la ZAP reste encore balbutiante par une politique pas assez volontariste ou trop soumise à l’idéologie du marché librement concurrentiel.
On peut s’opposer à la récente décision gouvernementale de ne pas assez soutenir cette voie prometteuse de l’agriculture bio, peu polluante et viable humainement et économiquement … au bénéfice de l’agriculture industrielle dite « conventionnelle » voire « raisonnée ». Est-ce bien raisonnable ?