... ou les tribulations d’un pesticide

 

Comme un article récent du journal Le Monde le signale (19-20 Mars 2017 -Economie & Entreprise p.4), les toxicologues de Monsanto soupçonnaient depuis quelque 18 ans le risque mutagène du glyphosate, le principe actif du Rond-up ! Mais ces soupçons restaient en interne.

Il aura fallu que des centaines de travailleurs agricoles, victimes de lymphomes non hodgkiniens (cancer du sang), aient le courage de lancer une action collective en Justice en Californie contre Monsanto, pour que une cour s'empare des dossiers internes de recherche et de discussion. Cela a permis de découvrir que la direction de la firme savait en effet depuis la fin de la décennie 1990 la dangerosité de sa molécule fétiche mais voulait la cacher au monde entier. Mieux, l'unanimité ne se faisant pas dans les labos Monsanto sur l’opportunité de cette dissimulation, le directeur de la toxicologie a essayé de s'appuyer sur l’avis de chercheurs en Europe.

Le professeur James Parry fut alors sollicité en raison de sa compétence. Hélas pour Monsanto, ce chercheur gallois ne s’est pas départi de son honnêteté scientifique : rendant compte des expériences faites, il conclut « que le glyphosate est un clastogène potentiel in vitro », c'est-à-dire un mutagène pouvant casser l'ADN et provoquer des aberrations chromosomiques … voire « in vivo sur des lymphocytes » bovins et humains. Parry l'explique par le mécanisme de « stress oxydatif » des cellules atteintes comme un processus… qui sera confirmé 15 ans plus tard par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Si la réaction officielle du patron de la toxicologie de Monsanto est de dénoncer la « science pourrie » … il concède en interne : « nous sommes actuellement très vulnérables » !!!

Par ailleurs, comme l'a souligné dans ses travaux l'équipe de Séralini à Caen, les adjuvants au glyphosate sont encore plus toxiques que l'herbicide proprement dit. Il s'agit de « surfactants » dont les firmes utilisant le glyphosate dans leurs formules commerciales d'herbicides systémiques gardent jalousement le secret. Ces « surfactants » « surfont » en effet l'action du « principe actif » en rendant poreuses les cuticules des mauvaises herbes … cela a aussi pour effet de faciliter la pénétration du glyphosate dans les pores de la peau de l'agent qui n'a pas pris de gants (ou de masque respiratoire efficace ?). Manque de précaution qu’on ne voit plus à Olivet : heureusement pour la santé des personnels des espaces verts !

Pourtant, voici le dernier coup de théâtre : la veille de ces révélations de la justice californienne, l'agence européenne des produits chimiques a considéré « ni cancérogène, ni même mutagène … le glyphosate » … et oublié les surfactants ajoutés !!!

Comme c'est bizarre ! Le lobbying de Monsanto (et/ou de son repreneur potentiel, Bayer) ... auprès des services de Bruxelles semble avoir été efficace. Ce qui n'a pas marché avec un scientifique européen, conscient de la valeur de la Recherche, est essayé auprès de conseillers politiciens européens au minimum mal informés.

Mais heureusement, il y a aussi des résistants en Europe capables de se lever contre de telles pratiques.

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