Aung San Suu Kyi
15 mars 2016A l'occasion de la journée des droits de la femme, Danièle BOUCHOULE souhaite saluer une grande dame.
Aung San Suu Kyi, et la démocratie, la liberté d’expression, la dignité
« … Aung San Suu Kyi, qui a remporté une victoire écrasante aux législatives du 8 novembre 2015 en Birmanie , a fait son retour lundi 16 novembre au Parlement en tant que députée, avec en ligne de mire le délicat passage de relais promis par les héritiers de la junte au pouvoir. Elle était déjà députée depuis des législatives partielles en 2012 où son parti avait déjà remporté la quasi-totalité de la quarantaine de sièges offerts…
Avec à la main deux roses rouges, Aung San Suu Kyi est arrivée seule, au dernier moment…
Le nouveau Parlement – dominé par la LND (Ligue Nationale pour la Démocratie) …. – n’entrera en fonction que début 2016, sans doute en février ou mars. Viendra alors seulement le temps des réformes par Aung San Suu Kyi et son équipe. ».
Le Monde du 17 novembre 2015.
Aujourd’hui, « le Papillon de fer » pour ses compatriotes, la « Dame de Rangoon » pour les medias, Madame Aun San Suu Kyi, est internationalement connue pour la défense infiniment déterminée de la liberté d’expression et de la démocratie.
Devant tout son courage, comment écrire quelques mots sur son parcours ? D’abord dire respectueusement notre hommage.
Née en Birmanie de parents birmans (son père fut assassiné dans un affrontement politique), elle est étudiante dans un collège d’Oxford ( St Hugh’s collège) puis fait un doctorat à Londres (philosophie, politique, économie). Elle travaille aux Nations Unies à New-York, avant son mariage en 1972 avec un anglais, Michael Aris et la naissance de deux fils Alexander et Kim.
Elle revient en 1988 (elle a 43 ans) en Birmanie pour s’occuper de sa mère malade. Il y a alors en Birmanie beaucoup de contestation politique pro-démocratique. Elle est membre de l’équipe qui fonde la LND , et en devient la secrétaire générale. Son discours du 26 août 1988 à la pagode Shwedagon est sa première intervention politique publique. Le gouvernement militaire lui propose de quitter le pays, ce qu’elle refuse.
Des élections en 1990 donnent une nette majorité à son parti. Mais les élu.es ne sont pas autorisés à siéger. Ann San Suu Kyi est mise en résidence surveillée.
Aujourd’hui âgée de 71 ans, elle a passé, entre 1990 et 2010, environ 15 années en résidence surveillée ou en prison en Birmanie. Quinze ans sur 71, cela fait environ un jour sur cinq de sa vie. Elle craint de se voir refuser le droit de revenir en Birmanie, si elle venait, en période de liberté, à quitter le pays afin de rendre visite à sa famille au Royaume-Uni. Le président Barack Obama, a «salué les efforts et les sacrifices constants» de l’opposante, qui n’a pas pu voir grandir ses deux fils, restés en Angleterre avec leur père décédé d’un cancer en 1999, sans pouvoir obtenir un visa pour rendre visite à son épouse en Birmanie.
En 1991, elle reçoit le prix Nobel de la paix. Son fils ainé Alexander (âgé de 18 ans) lit en son nom son discours. Elle reçoit plusieurs autres prix, dont le prix Sakharov.
Elle est nommée citoyenne d’honneur de plusieurs villes ou pays, docteur honoris causa de plusieurs universités.
Le 13 novembre 2010, la police birmane enlève enfin les barrières posées devant sa résidence surveillée.
En mars 2011 la junte militaire « s’autodissout » et l’été 2011 le nouveau chef d’état la reçoit. Elue députée en 2012 dans des élections partielles, la voici en 2015 à nouveau députée avec la majorité absolue.
Aung San Suu Kyi ne pourra pas devenir présidente en raison d’une Constitution qui interdit à toute personne mariée à un étranger ou ayant des enfants étrangers - les siens ont la nationalité britannique- de se présenter.
Le secrétaire général de l’ONU, l’a félicitée, et a aussi ajouté qu’il restait «beaucoup de travail» pour faire de la Birmanie une démocratie.
L’engagement et la tâche de Ann San Suu Ky pour la démocratie et pour la politique ne sont pas terminés. Elle va devoir assurer la transition démocratique avec le président sortant.
« Je suis toujours surprise quand les gens disent que je ne suis devenue qu'une politicienne. J'ai toujours été une femme politique…J’ai débuté en politique comme dirigeante d'un parti politique », déclare-t-elle à CNN en 2013.
Elle nous dit dans l’un de ses textes, « Se libérer de la peur » (publié en 2004 par Edition Des Femmes/ Antoinette Fouque) :
« Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime… Dans sa forme la plus insidieuse, la peur prend le masque du bon sens, voire de la sagesse, en condamnant comme insensés, imprudents, inefficaces ou inutiles les petits gestes quotidiens de courage qui aident à préserver respect de soi et dignité humaine…. Mais aucune machinerie d’État, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de ressurgir encore et toujours, car la peur n’est pas l’élément naturel de la personne civilisée. »
Ne pas avoir peur, conserver et affirmer les principes de démocratie, justice, liberté… oui, il le faut, souvent et partout dans le monde.
Merci à vous , Madame Aung San Suu Kyi