Agriculteurs à Olivet en 2016
15 févr. 2016La création de la ZAP* suscite beaucoup d’intérêt et de questions, elle fait naître l’espoir d’un nouvel essor agricole à Olivet.
C’est pour ces raisons que nous avons rencontré des exploitants agricoles dont le parcours professionnel semble être emblématique de l’évolution de l’agriculture sur cette commune. La réussite de leur entreprise et les difficultés qu’ils ont rencontrées pour y arriver sont un précieux témoignage. Nous le portons ici à la connaissance des habitants, comme élément de réflexion sur le cahier des charges de la future ZAP et l’installation prévue en son sein de nouveaux exploitants agricoles. Je remercie la famille LEPAGE d’avoir bien voulu, dans ce but, prendre du temps pour répondre à nos questions.
Valérie et Denis LEPAGE sont installés comme exploitants agricoles depuis 1992 .Ils cultivent sur 35 hectares une production maraîchère variée et des céréales, mais le chemin parcouru pour y arriver ne fut pas un long fleuve tranquille.
Monsieur est fils et petit-fils d’agriculteurs olivetains et après avoir obtenu un CAPA et un BEPA en arboriculture, il occupe un emploi salarié au parc floral d'Orléans et aide concomitamment ses parents à exploiter leurs terres en polyculture (vignes, fruitiers et céréales.) Il rencontre sa femme lors de leurs études au lycée Horticole de la Mouillère, elle y obtiendra un CAPA d’horticulture.
Monsieur LEPAGE , du fait de son histoire familiale rurale et pour assouvir sa passion de l’agriculture, récupère au fil des années des terres qu’il loue à des exploitants qui cessent leur activité. Cela le conduit à cultiver des parcelles dans des zones très éloignées sur la commune. Il est toujours salarié et Madame occupe des emplois saisonniers jusqu’à la naissance de leur deuxième enfant en 1994 ou elle bénéficie ensuite d’un congé parental. C’est en 1992 que Madame se déclare comme exploitante à la MSA.
L’exploitation s’agrandit et un certain nombre de raisons sont évoquées par ce couple pour envisager dès lors une reconversion en culture maraîchère :
L’arboriculture n’est plus rentable car le marché de gros qui est leur seul débouché fait la loi sur les prix, le formatage de la production et les traitements chimiques croissants,
Les travaux agricoles sont dispersés sur la commune ce qui est également peu intéressant en terme de rentabilité et de temps,
Le couple qui habitait une location contiguë à l’exploitation des parents de Monsieur, souhaite habiter chez lui, travailler plus confortablement, abriter et regrouper son matériel agricole.
Ils déposent donc en 2006 auprès des autorités (Chambre d’Agriculture, Mairie) une demande de permis de construire pour une maison d’habitation et un hangar afin d’exploiter en maraîchage des terres regroupées prés de leur domicile.
L’enquête de faisabilité de la DRAAF* valide leur projet et ils emménagent rue Bretonnière en juin 2007.
Ils tiennent à préciser qu’ils se sont installés sans apport d’argent familial, qu’ils n’ont de dettes qu’à l’égard des banques auxquelles ils remboursent les emprunts de leurs constructions. Ils précisent également qu’ils cultivent exclusivement des terres louées ; Mr LEPAGE n’a à ce jour hérité d’aucune parcelle. Ils payent d’ailleurs , en fin d’année, des loyers, à environ une trentaine de propriétaires différents.
Aujourd’hui, en 2016, ils manifestent une certaine fierté d’avoir réussi leur reconversion et ne regrettent rien .Ils cultivent sur l’année une trentaine de variétés de légumes de saison en pleine terre (serres et tunnels non chauffés) avec leur production ‘’phare’’ d’asperges sur deux mois de récolte. Référencés en agriculture raisonnée ils n’enrichissent la terre qu’avec des engrais organiques conventionnels ou bio, ne traitent qu’en cas de besoin (par produits de contact peu rémanents) et jamais avec des produits systémiques.
Pour ce qui leur reste en grande culture sur des parcelles plus dispersées sur la commune ils emploient du phyto sanitaire classique, ne mettent plus de fongicides sur les céréales et traitent seulement aux désherbants de contact.
Sur l’exploitation et aux travaux des champs, le couple est aidé par le plus jeune fils Baptiste qui a comme son frère aîné bénéficié d’une formation agricole et obtenu un Bac Pro paysager. Il aide aussi en logistique comptable et informatique , et occupe parfois des emplois saisonniers et temporaires. L’aîné Damien titulaire d’un BEPA est salarié à l’extérieur.
Les produits de l’exploitation sont vendus par Mme LEPAGE sur des marchés de l’agglo et en vente directe à l’exploitation. Un début de vente sur internet par un site regroupant des producteurs locaux est en train de démarrer sur le Loir et Cher
Le couple dit « s’en sortir » moyennant pour Monsieur des doubles journées (il reste salarié à temps partiel) et pour Madame beaucoup de fatigue due à la pénibilité des cueillettes, de la préparation des légumes et de la vente sur les marchés. Ils ne peuvent financièrement se permettre d’embaucher alors qu’ils auraient du travail pour occuper un salarié. Ils remboursent leurs emprunts et réinvestissent le peu de bénéfices dans des améliorations ou aménagements de l’exploitation.
Quant à la ZAP, Mr LEPAGE dit qu'il la voit se dessiner sans états d'âmes, regrettant que lors du remembrement en 1982 on n'ait pas préservé un peu plus le devenir agricole de la commune. Entre 70 et 90 l'agriculture n'intéressait plus personne, ni à Olivet ni ailleurs constate-t-il amèrement.
Maintenant le mal est fait, certaines parcelles issues du remembrement ne sont plus cultivées. Au fil des ans, il a eu des difficultés à regrouper des terres, car lorsqu’il désirait louer une parcelle, le propriétaire avait déjà divisé ses terres entre les héritiers ; de ce fait, elles ne sont plus louables, donc pas cultivables et pourtant qualifiées « d’agricoles » !
On sait qu’une bonne partie des terres agricoles de la commune sont devenues ainsi, progressivement, constructibles. Mr LEPAGE souhaite, et l’a déjà exprimé dans des réunions au sujet de la ZAP, que la protection de cette zone soit au moins inscrite pour une durée de vingt ans, permettant d’éviter ou de freiner une nouvelle pression de la spéculation immobilière.
Mr et Mme LEPAGE sont intéressés et favorables à l’installation d'exploitations agricoles nouvelles de leur type : de plus importantes productions locales favoriseraient les débouchés vers les cantines scolaires, restaurants et collectivités etc…
Ils se sentent très seuls sur la commune et le regroupement des moyens de plusieurs exploitants permettrait de développer les marchés locaux, ce qui les rassureraient sur la viabilité de leur entreprise. Ils attendent de la ZAP des infrastructures facilitant leur travail et l’installation des nouveaux agriculteurs sur des petites surfaces regroupées et irrigables !
Derrière les mots et la fierté exprimée sur leur parcours et leur réussite, on devine leur scepticisme sur la chance de voir s’installer des collègues pratiquant une agriculture biologique ou raisonnée comme la leur.
Resteront-ils les derniers représentants d’une espèce en voie de disparition sur la commune ? C’est le challenge qui est lancé à l’occasion de cette qualification de la ZAP par la mairie, espérant qu’elle se dotera de moyens légaux suffisants pour y parvenir et donnera ainsi un sens réel et concret à des formules telles que : Olivet ville jardin….Olivet la ville à la campagne !
* Zone Agricole Protégée
* Direction Régionale pour l'Alimentation l'Agriculture et les Forêts